ARTICLE FAQ SUR L’ALLIANCE DE LA MORPHO-ANATOMIE ET DES PREFERENCES MOTRICES
« Alliance de la morpho-anatomie avec les préférences motrices »
Matthieu Toulza est expert en morpho-anatomie ainsi qu’en préférences motrices et cognitives liées à la performance.
Question 1 : Pouvez-vous définir les termes de « morpho-anatomie » et « préférences motrices », ainsi que les expliquer brièvement ? Sportivement, quel est l’intérêt de connaître ses préférences motrices ?
-La Morpho-Anatomie est une dérivée de l’anthropologie physique, elle fait partie des sciences qui décrivent la forme et la structure des organismes vivants. Elle a une incidence de premier plan dans l’exécution d’un geste donné.
La longueur et la forme des segments corporels (os) et celles des muscles qui les tapissent, impactent directement la biomécanique individuellement, notamment en ce qui concerne l’aptitude à recruter tel ou tel muscle dans une chaîne musculaire donnée pour bouger ou pour réaliser un mouvement.
-Les préférences Motrices ont éclos en Europe dans les années 90 sous l’impulsion R Hippolyte, B Théraulaz, rejoints par C Gindre à l’aube des années 2000.
Leur principe : Bouger suppose de créer un déséquilibre Bien qu’il soit capable de tout faire, le cerveau a une préférence naturelle innée, pour créer ce déséquilibre dans l’espace qui l’entoure. Cette préférence d’action, lui est plus facile, nécessite un moindre coût énergétique, et permet donc au système nerveux central plus globalement (cerveau+moelle épinière) de durer dans le temps. Il s’agit d’un véritable système de survie non héréditaire ancré en chacun de nous dès la naissance qui ne variera jamais, mais qui est « environnement dépendant », c’est-à-dire que les situations externes et internes permettent plus ou moins de l’exprimer. Les préférences existent par centaines, dans différents domaines (énergétique, cognitif, moteur, hormonal, visuel, etc)
-Sportivement l’intérêt de connaître ses préférences de Motricité permet d’exprimer tout son potentiel physique, technique et cognitif pour la réalisation de la gestuelle voulue.
Cela influence directement l’efficacité gestuelle et joue un rôle non négligeable, dans la prophylaxie des blessures. Ces préférences de Mouvement, sont annexées à des préférences cognitives.
C’est-à-dire, une manière propre à chacun de percevoir et interpréter son environnement. Elles peuvent être déterminées par le biais d’un testing physique et / ou de l’observable.
Question 2 : Un type de préférence est-il plus favorable à certains sports ? Par exemple, est-ce qu’en pratique vous constatez que les coureurs de sprint « marche par le bas » - plus enclins à se projeter vers l’avant - gagnent systématiquement plus de compétitions que leurs adversaires « marche par le haut » ou inversement ? Un autre exemple de sport ? Si oui, comment pouvez-vous expliquer cela ? Si non, est-ce que les préférences motrices sont vraiment importantes pour la compétition ?
Il n’existe pas de préférences meilleures que d’autres. C’est plutôt, d’une part la connaissance de celles-ci et d’autre part, l’aptitude de l’athlète à les mettre en place dans l’écosystème qui est le sien qui seront importantes. Usain Bolt a une préférence de « Marche par le haut », et juste derrière lui, Johan Blake est à l’opposée, avec une préférence de « marche par le Bas ». Les 2 performent, ils le font juste de manière différentes (inclinaison du rachis, degré de flexion du membre inférieur, points d’appuis du pied sur le sol qui différent, fonctionnement neuro-musculaire, etc).
Autre exemple, au football, C Ronaldo est un « marche par le haut ou MPH », Z Zidane est un « marche par le Bas ou MPB ». Chacun présente des forces intrinsèques, qu’il a été en capacité d’exprimer et qui l’ont portées au plus haut niveau mondial.
Un Zidane va par exemple préférer le principe du « start and stop », balle au pied, alors qu’un Ronaldo va aimer le fait de partir lancé, pour être en mouvement au moment de la réception de la balle, il est ce que l’on appelle un rythmique. Chez lui, le mouvement s’auto-alimente dans un cercle vertueux. Si ils ont des préférences, ils savent tout faire et maîtrisent plutôt bien leur opposé. Pour illustrer le fait qu’ils savent également fonctionner dans leur opposé : CR7 avait par exemple effectué un splendide retourné acrobatique resté dans les mémoires des footeux, avec une motricité de MPB face à la Juventus en demi-finale de la ligue des champions au printemps 2018.
Question 3 : Est-il possible, au fur et à mesure du temps et selon les entraînements, de passer d’un système de « marche par le haut » à « marche par le bas » et inversement ? Si oui, comment cela serait-il faisable ? Est-ce qu’il serait préférable d’essayer de modifier ses préférences motrices selon le sport pratiqué ? Si non, cela signifie-t-il qu’il n’existe pas de phénomène de modulation du système nerveux, malgré une pratique intensive pour inverser les préférences motrices ?
Nous passons au cours d’un match, d’une journée, sans cesse de l’un à l’autre inconsciemment pour nous adapter à notre environnement, selon notre degré de fatigue ou une blessure éventuelle. Par ailleurs, nous sommes des êtres imitants, c’est-à-dire que la présence de neurones dits « miroir » au niveau du cortex cérébral, nous incite sous l’influence de certains paramètres comportementaux, dans un contexte bien particulier, à répliquer ce que font les meilleurs dans le dit contexte, sans pour autant que cela soit conforme à nos préférences.
Le fait d’évoluer ponctuellement dans son opposé, peut permettre également à notre force, lorsque cela est nécessaire, de récupérer. Prenons l’exemple de la main : un droitier pour saisir un téléphone peut très bien le faire avec sa gauche, il ne lui en coûtera que peu d’énergie. Malgré tout, au moment de composer à une main un numéro de téléphone, en dehors de toute autre contrainte externe, il y a fort à parier qu’il le fasse avec sa main préférentielle, qui présente plus de dextérité, à savoir la droite.
Cependant, un « marche par le Haut » restera un « marche par le Haut » quel que soit son niveau d’entraînement dans son opposé. Il pourra améliorer cet opposé, et mieux le maîtriser lorsqu’il sera contraint par le contexte, de devenir « marche par le bas ».
Mais s’agissant d’une motricité de survie, celle du MPH lui restera toujours plus facilement accessible que celle du MPB. Un Gaucher peut améliorer sa main droite, mais ne sera jamais aussi fort qu’avec sa main gauche…
Une contrainte externe telles qu’une fatigue profonde de notre préférence, une consigne de coach, un environnement peu propice à l’expression de notre préférence vont contraindre notre système nerveux à s’adapter. Si nous n’y parvenons pas, tel un animal avec qui nous partageons notre cerveau reptilien, nous allons fuir cet environnement.
Le but de ce système de survie est de toujours partir idéalement de sa préférence, pour aller à son opposé lorsqu’il n’a plus le choix. Mais dès lors, il y aura potentiellement majoration des contraintes énergétiques, cognitives, perte motivationnelle, etc.
Enfin, lors d’une blessure ou accident grave impliquant le cortex, la neuroplasticité, engendrera un remaniement des zones saines qui viendront pallier autant que possible les fonctions dévolues aux zones lésées.
Mais au stade actuel de connaissance, nous ne savons pas encore comment les préférences se modulent d’un individu à l’autre et pourquoi, certains sont plus adaptables que d’autres dans ce type de situation.
Question 4 : Selon vous, est-ce que l’adaptation de la préparation physique générale ou spécifique selon les préférences motrices est absolument essentiel chez un athlète ? Est-ce que, si ce travail n’est pas fait, les performances n’atteignent pas le plein potentiel ? Chez des clients non sportifs de haut niveau, est-il important de connaître leurs préférences motrices afin d’adapter le coaching ? Si oui, pouvez-vous donner des exemples concrets d’adaptation sur certains exercices ?
La réponse à cette question est clairement OUI ! Qu’il s’agisse du sportif amateur ou professionnel, il est essentiel si l’on souhaite individualiser la prise en charge de son client de connaître ses préférences naturelles.
La méconnaissance de celles-ci diminuera les aptitudes à performer, mais surtout plus grave, pourra favoriser l’apparition de blessures.
Prenons comme exemple, l’exercice roi : Le Squat qui comporte 2 phases : flexion-extension.
On peut tenter de demander à tout le monde de mettre « cul par terre » en flexion ultime. Mais tout le monde ne pourra pas le faire avec la même facilité ou même amplitude, au risque de favoriser une instabilité et un accident.
La connaissance d’un profil va permettre de moduler l’amplitude gestuelle, de travailler spécifiquement une phase du mouvement, de changer les points d’appui, voire de faire le choix par exemple de remplacer le Squat classique, plutôt par du squat avant en vue de modifier la contrainte gravitationnelle subie et les chaînes musculaires posturales engagées.
D’autres exemples, certains seront plus à l’aise en fente avant, d’autres en Fente arrière, ceci à charge égale.
Dans les sports d’appui pluri-directionnels, certains vont aimer être ancrés au moment de démarrer une course, un saut, alors que d’autres, auront les jambes quasi tendues…
Question 5 : Quel est brièvement le lien entre la manière de bouger, d’exprimer un mouvement et le fonctionnement cognitif ?
Cela pourrait se résumer par : EQUILIBRE => PERCEPTION => ACTION
Dans la réalité, après l’énergétique, l’équilibre est la 2e priorité de tout système vivant.
Tant que la fonction d’équilibre n’est pas remplie, le système nerveux central (SNC) perçoit un risque de chutes des masses squelettiques et donc de mort. Mono-tâche, le cerveau ne peut percevoir efficacement son environnement tant que ce déséquilibre n’est pas maîtrisé.
Si on prend le mouvement naturel de marche, le cerveau possède 2 stratégies différentes, totalement opposées, pour créer le déséquilibre à l’origine de la marche. Elles représentent les 2 extrêmes d’un continuum sur lequel s’exprime l’ensemble des motricités humaines.
Rappelons que l’homme peut tout faire, mais s’il le peut, il a parmi ces 2 options l’une d’entre elles qui lui est plus facile. Une fois l’équilibre géré et contrôlé, alors l’homme pourra percevoir efficacement les informations de son environnement et les traiter.
1 : Soit il mobilise la partie basse de son système nerveux central (bassin) puis la jambe, via une chaine musculaire qui favorise la flexion et l’ancrage au sol, ce qui induit en dynamique :
une triple flexion du membre inférieur, un report du centre de gravité à l’appui plutôt sur le 1/3 postérieur du pied, au moment d’enclencher le mouvement. Lors de la dynamique de marche, la prise de contact de la jambe d’appui se fait en avant du tronc, qui se trouve à ce moment-là en déséquilibre dans l’espace ARRIERE. On les appellera MPB (cf précédent) ou Terrien. Se sont sur le plan cognitif, des Sensitifs qui aiment sentir le sol en avant d’eux via leur appui talonnier, avant d’y projeter le reste du corps.
2 : La seconde option, est de créer un déséquilibre dans l’espace AVANT, le cerveau relâche une chaîne musculaire dite d’extension pour laisser chuter les masses hautes incluant le SNC vers l’avant (tête et épaules), avant de la réactiver pour récupérer ce déséquilibre antérieur, avec la jambe qui récupère l’appui in-extrémis.
L’appui au sol se fait quasi à l’aplomb du tronc qui lui est versé vers l’avant, avec un centre de gravité au moment de déclencher le mouvement qui se situe sur le 1/3 antérieur du pied. On observe une raideur plus ou moins prononcée du membre inférieur. On dit d’eux qu’ils sont des MPH, ou des Aériens. Sur le plan cognitif, on les appelle des intuitifs, car ils projettent ce qu’ils ont de plus précieux (leur tête) vers l’avant, alors qu’ils n’ont pas encore pris contact avec le sol à cet instant-là.
Les liens cognitifs permettant de comprendre comment, chaque individu fonctionne dans l’action et qui se traduisent à l’observable par une expression motrice, ont été fait par R Hippolyte et B Théraulaz. Ils se sont notamment inspirés du MBTI, et des travaux de l’approche comportementale et psychologique développée par Carl Gustave Jung dans le premier tiers du 20e siècle. Ils ont pu aboutir à 16 profils moteurs et cognitifs de base.
Lorsqu’ils sont associés à la morpho-anatomie, les motricités deviennent infinies…
Question 6 : Comment les préférences motrices impactent-elles la morpho-anatomie et vice-versa ? Est-ce que ces deux éléments sont inséparables dans la pratique sportive ? Si oui, comment et pourquoi ?
Il s’agit de 2 systèmes qui interagissent ensemble dans la maîtrise de l’équilibre et l’expression d’une motricité :
-D’un côté, le système musculo-squelettique, que la Morpho-Anatomie permet de décrypter et cartographier.
- De l’autre, Le système nerveux central, véhiculé par ce système musculo-squelettique, qu’il mobilise via des préférences motrices naturelles.
Les formes, les longueurs osseuse et musculaire ainsi que les désaxations du 1er système peuvent venir perturber l’expression motrice et la gestuelle du 2e système.
C’est pourquoi, pour comprendre comment fonctionne un individu, on ne peut dissocier l’un de l’autre.
La perturbation (excès de longueur segmentaire, désaxation articulaire par exemple) de l’appareil locomoteur ( 1er système)va obliger parfois le système nerveux à fonctionner en dehors de ses préférences, tout comme une motricité exprimée par le système nerveux, qui ne serait pas en adéquation avec ses préférences, peut engendrer des incidences et pathologies musculo-squelettiques.
En schématisant grossièrement, si un MPB se met à fonctionner comme un MPH trop longtemps, il y aura risque de pathologies, et vice-versa avec un MPH qui resterait trop longtemps en MPB.
Question 7 : Comment les différentes associations des ceintures (pelvienne et scapulaire) peuvent-elles impacter le mouvement ou le risque de blessures ?
Les ceintures (pelviennes et scapulaires) représentent les 2 extrémités du système nerveux central, qui est enclavé majoritairement dans le rachis reliant les 2 ceintures.
Lors du mouvement, le rachis est mobilisé via différentes chaînes musculaires qui lui permettent de réaliser des rotations de ces ceintures, dans des plans différents.
Si l’ensemble des vertèbres sont mobilisées dans le mouvement, 2 « carrefours » vertébraux se dégagent en fonction des profils moteurs. C’est à partir de ceux-ci, que le rachis et donc les ceintures vont s’orienter dans l’espace, selon le mouvement souhaité.
On distingue 2 points, qualifiés de points mobiles : D8(8e dorsale) et L5(5e lombaire).
Plus concrètement, ceux dont le profil définit D8 comme point mobile seront dits dissociés. C’est-à dire qu’ils auront du fait de l’emplacement de D8 dans le rachis, la possibilité d’orienter la ceinture scapulaire dans un plan, et la ceinture pelvienne dans l’autre.
A l’inverse, ceux qui auront L5 comme point mobile, seront dits associés. C’est-à-dire que s’ils souhaitent orienter par exemple les épaules vers la gauche, le point mobile L5 s’articulant avec le bassin et donc la ceinture pelvienne les contraindra à mobiliser leur ceinture pelvienne simultanément vers la gauche.
En cas de non-respect de cette consigne, notamment dans les mouvements nécessitant d’importantes rotations (twist abdominal, swing de golf, frappes sports de combat, coups aux tennis), il y aura majoration du risque lésionnel localement à cet endroit.
Question 8 : Pouvez-vous donner aux Personal Trainers des exercices simples à réaliser chez leurs clients afin de déterminer leurs préférences motrices ? Ainsi que quelques conseils pratiques pour adapter leurs coachings ?
Plus simple, je peux leur conseiller de se rendre sur la plateforme Youtube (cf lien vidéo question suivante), et de cliquer sur une vidéo à destination des coachs et préparateurs sportifs, réalisée pour la structure de formation, nommée Trans-Faire. Ils trouveront une vidéo présentant l’analyse Morpho-anatomique
Puis une seconde, orientée PREF, où même s’il ne s’agit que du Teaser et non de la totalité du module, ils pourront observer comment tester un sportif.
Une fois le profil établi, des exercices spécifiques peuvent être mise en place.
Cependant, j’attire leur attention sur le fait, qu’il s’agit d’une vidéo de démonstration. L’’approche par Préférences est extrêmement fine et nécessite de l’expérience pour être en capacité d’interpréter un testing et de déterminer un profil moteur.
Il existe de nombreux biais, qui peuvent dans certains cas, flouter le testing et les observables aboutissant à des erreurs.
Le mieux s’ils le souhaitent, est :
-soit de se former directement auprès de structures reconnues,
-soit de faire appel à des professionnels qui pourront « cartographier leurs clients » et leur donner les grandes directions et précautions à prendre, ceci afin de pouvoir proposer un programme individualisé.
Les Formations dispensées n’incluent pas la Morpho-Anatomie, mais uniquement à ce stade, les Préférences Motrices.
Je suis un des premiers à travailler sur l’alliance de ces 2 paramètres. Depuis plusieurs années, j’ai déterminé et mis en place des liens inter-systèmes qui peuvent être utilisés au quotidien dans la prise en charge sportive de l’athlète, dans plusieurs disciplines. IL y aura possiblement des évolutions vers une formation future sous le nom d’approche MORPHOPREF.
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